Le gouvernement du Canada est en train de changer radicalement sa façon de concevoir, de fournir et d’évaluer les services numériques. Au cœur de cette transformation se trouve le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT), qui a lancé l’approche de santé organisationnelle et qui dirige actuellement la réinitialisation de la Politique sur les services et le numérique. Nous avons discuté avec le SCT de la manière dont ces initiatives modernisent le contrôle, encouragent la collaboration interministérielle et favorisent une culture d’amélioration continue. Ces questions-réponses mettent en lumière leur vision pour un gouvernement numérique plus agile et centré sur l’utilisateur.
Q1: Qu’est-ce qui a incité le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada à repenser la manière dont le gouvernement contrôle la santé des services et comment cela a-t-il évolué vers l’approche de santé organisationnelle?
En 2022, le public canadien a été confronté à des pannes généralisées dans certains des services fédéraux les plus visibles — longues files d’attente pour les passeports, retards dans le traitement des demandes d’immigration, congestion des aéroports et centres d’appel débordés. Ces défis ont poussé les gouvernements à agir rapidement et de manière transparente, et ont révélé que les modèles de contrôle existants n’étaient pas conçus pour fournir des solutions à la vitesse et à l’échelle nécessaires.
En réponse, le SCT a lancé l’approche de santé organisationnelle, un projet pilote conçu pour tester une méthode plus souple pour contrôler la santé des services. Cette approche intègre des ensembles de données dans l’ensemble du gouvernement, priorise les services à impact élevé et à risque élevé, et permet une intervention plus précoce grâce à une collaboration structurée avec les ministères. Ce qui n’était au départ qu’un prototype a rapidement évolué, façonné par une rétroaction et une itération continues.
Parallèlement, la cote mondiale du gouvernement numérique canadien a baissé, l’indice de développement du gouvernement en ligne des Nations Unies classant le Canada au 47e rang en 2024, par rapport au 3e rang en 2010. Ce défi plus large est abordé par la réinitialisation de la Politique sur les services et le numérique (PSN) — une modernisation du cadre politique du gouvernement en matière de numérique et de services. Les leçons tirées de l’approche de santé organisationnelle influencent directement cette réinitialisation, qui se concentre sur le traitement du numérique comme une infrastructure publique commune, la clarification des rôles et des responsabilités, l’adaptation de la surveillance au risque de prestation et à la maturité organisationnelle, et la mesure de l’incidence sur le monde réel plutôt que la simple conformité.
Q2: Comment cette nouvelle approche aide-t-elle le gouvernement à passer d’une résolution réactive des problèmes à une conception proactive de services qui répondent mieux aux besoins des citoyennes et citoyens, en particulier dans un contexte numérique?
Traditionnellement, le contrôle des services fédéraux repose sur des rapports axés sur la conformité. Les ministères ont été invités à suivre les volumes de demandes ou à fixer des normes de service, mais ces mesures rétrospectives, qui ne sont souvent disponibles qu’un an plus tard, n’ont pas révélé les risques émergents ou l’expérience vécue par les utilisateurs et les utilisatrices.
Cette approche améliore cet état des lieux. En combinant les données trimestrielles avec un dialogue structuré, elle met en évidence les risques plus tôt — qu’il s’agisse de pics soudains de la demande, de problèmes d’utilisation, de congestionnement informatique ou de pénuries de ressources — et crée un espace pour des solutions collaboratives avant que les problèmes ne s’aggravent.
Cette approche proactive et agile est essentielle à l’ère numérique, où le public canadien attend des services publics qu’ils soient transparents, réactifs et résilients. L’approche de santé organisationnelle a montré comment la surveillance pouvait aller au-delà de l’établissement statique de rapports pour s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue. Ces enseignements sont directement pris en compte dans la réinitialisation de la PSN, qui réoriente le cadre de la politique sur le numérique et de la politique sur les services du Canada vers une conception proactive centrée sur l’utilisateur·trice.
Q3: De quelle manière l’approche de santé organisationnelle s’harmonise-t-elle avec les efforts plus larges déployés par le gouvernement pour améliorer l’expérience numérique et rétablir la confiance du public?
La confiance du public dépend de la fiabilité, de la réactivité et de l’accessibilité des services. L’approche de la santé organisationnelle y contribue en mettant en évidence les congestionnements plus tôt et en permettant des interventions plus rapides.
De manière plus générale, les efforts du Canada en matière de gouvernement numérique sont réinitialisés pour répondre aux normes internationales et aux attentes des citoyens. La réinitialisation de la PSN positionne le numérique comme une infrastructure publique partagée, et non comme un simple projet informatique. Pour ce faire, les rôles et les responsabilités doivent être clairement définis : les ministères sont responsables de la prestation des services, tandis que le SCT adapte la surveillance aux risques liés à la fourniture des services, à la maturité de l’organisation et aux performances.
Ensemble, les réinitialisations de l’approche de santé organisationnelle et de la PSN témoignent d’un changement de culture : on passe de la conformité et des indicateurs de retard à l’impact dans le monde réel, en mesurant les résultats pour les personnes, les ministères et la société. Ce changement est essentiel pour rétablir la confiance et améliorer la position numérique du Canada dans le monde.

Q4: Le projet mentionne l’utilisation de données en temps réel et l’abandon des rapports statiques. Quels types d’informations numériques ou de données relatives aux citoyennes et citoyens aident les ministères à répondre plus efficacement à l’évolution des besoins?
Les premiers tableaux de bord de l’approche de santé organisationnelle se sont appuyés sur des sources existantes telles que le répertoire des services du gouvernement du Canada, en se concentrant sur des indicateurs tels que les volumes de demandes, les délais de traitement, les niveaux d’arriérés et la satisfaction des clients pour les 25 services ayant le plus d’impact. Au fil du temps, le cadre s’est élargi pour inclure des données contextuelles sur la santé du système de la TI, la dotation en personnel et les ressources.
L’originalité de l’approche de santé organisationnelle réside dans le fait que ces mesures sont associées à des discussions trimestrielles et structurées avec les ministères. Les chiffres ne suffisent pas à expliquer l’évolution des rendements. En combinant des signaux quantitatifs avec un contexte qualitatif, l’approche de santé organisationnelle a transformé les rapports en une plateforme de résolution de problèmes qui aide les ministères à expliquer les pressions, à repérer les risques et à partager les solutions.
Ce modèle collaboratif, fondé sur la connaissance, a inspiré la réinitialisation de la PSN, qui intègre le principe selon lequel la mesure de rendement doit aller au-delà de la conformité pour se concentrer sur les résultats et l’incidence dans le monde réel.
Q5 : Comment avez-vous trouvé un équilibre entre la nécessité d’un contrôle et la nécessité d’éviter une charge supplémentaire pour les ministères, en particulier ceux qui gèrent des services numériques à fort volume tels que les passeports ou l’immigration?
Dès le premier jour, l’approche de santé organisationnelle a été conçue en collaboration avec les ministères; elle n’y a été pas imposée. Les premiers prototypes ont exploité les données que les ministères collectaient déjà, et les rapports trimestriels ont été introduits progressivement, puis affinés en fonction des réactions. Les indicateurs ont été choisis pour leur capacité à mettre en évidence des risques significatifs sans ajouter de complexité inutile.
La surveillance est également devenue un dialogue. Chaque cycle de rapport a donné aux ministères la possibilité d’expliquer les contraintes de capacité, les risques opérationnels ou les pressions exercées sur le système, garantissant ainsi que les données soient comprises dans leur contexte.
Cette approche illustre une leçon plus large qui est maintenant intégrée dans la réinitialisation de la PSN : la surveillance doit être calibrée en fonction du risque, de la maturité et du rendement, et non pas d’une solution unique.
Q6 : Quels sont les enseignements tirés de ce projet qui pourraient être utiles aux fonctionnaires fournissant des services numériques directement au public canadien?
- Apprendre en faisant, itérer au fur et à mesure
- La crise du service 2022 a montré que les rapports statiques ne nous préparent pas aux problèmes dynamiques. L’approche de santé organisationnelle a prouvé la valeur des boucles de rétroaction plus courtes, de l’apprentissage dans l’action et de l’adaptation continue entre les ministères.
- Utiliser les données pour mieux comprendre, et pas seulement pour vérifier
- La surveillance devrait favoriser un dialogue constructif entre les gouvernements. Les indicateurs sont d’autant plus utiles qu’ils favorisent l’apprentissage et le changement, et pas seulement la conformité.
- Clarifier les rôles et cultiver la confiance
- Les ministères sont responsables de la mise en œuvre; les organismes centraux tels que le SCT assurent une surveillance calibrée, en fonction des risques et de la maturité. Cette approche de partenariat renforce la résilience et la confiance.
- Focalisation sur l’incidence dans le monde réel, et pas seulement sur le processus
- La mesure ultime du succès est de savoir si les services répondent aux besoins des personnes. La réinitialisation de la PSN intègre ce principe, en veillant à ce que le rendement du gouvernement numérique soit évalué en fonction de leur incidence sur les citoyennes et citoyens, les ministères et la société, et non pas uniquement en fonction du respect des exigences de conformité.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada dirige la réinitialisation de la Politique sur les services et le numérique (PSN) — une modernisation des règles qui guident la façon dont le gouvernement conçoit, fournit et supervise les services numériques. Cette réinitialisation vise à réduire la charge administrative, à renforcer la responsabilité et à faire en sorte que le gouvernement numérique ait une incidence réelle sur le public canadien.
La mobilisation est déjà en cours, et votre contribution est importante. Faites parvenir vos idées, suivez la page Modernisation de la politique sur les services et le numérique et participez à l’élaboration de la prochaine génération du gouvernement numérique du Canada.